Chantiers et bâtisseurs |
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Maître d'ouvrage et maître d'œuvre |
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Le lien entre la personne qui commande la construction d'un ouvrage et en garantit le financement - le maître d'ouvrage - et celle à qui il donne la charge de concevoir, d'expliquer et de contrôler la réalisation de cet ouvrage - le maître d'œuvre - est à l'origine fondé sur la confiance. Puis les contrats entre maître d'ouvrage et maître d'œuvre se répandent dans le courant du XIIIe siècle. |
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Le maître d'œuvre se fait un nomAu moment de l'apogée du gothique, les maîtres d'œuvre accèdent à un statut social important. Leur enrichissement personnel, leur renommée, leur titre "universitaire" - l'épitaphe de Pierre de Montreuil indique qu'il fut "en son vivant docteur ès pierre" - en exaspèrent plus d'un. Le prédicateur Nicolas de Biard les critique dans un sermon prononcé en 1261 : "Dans ces grands édifices, il a accoutumé d'avoir un maître principal qui les ordonne seulement par la parole et n'y met que rarement la main, et cependant reçoit des salaires plus considérables que les autres." Le maître d'œuvre s'éloigne de toute activité manuelle. Il conçoit les plans et fixe les devis.Les grands maîtres d'œuvre du gothique sont Jean de Chelles, Pierre de Montreuil, l'un des bâtisseurs de Notre-Dame de Paris, Robert de Coucy, Peter Palet, Hugues Libergié, Alexandre et Colin de Berneval. Ce sont des artistes, des savants et des spécialistes des questions techniques. Ils sont capables de défier les forces et les poussées, de les contrôler pour élever toujours plus haut des édifices à la gloire de Dieu. Ils offrent le spectacle de constructions extraordinaires éblouissant leurs contemporains. Des inscriptions dans la pierreÀ l'intérieur même de la cathédrale, le labyrinthe est parfois le moyen de connaître le nom des maîtres d'œuvre. Une gravure qui représente le labyrinthe de la cathédrale de Reims aujourd'hui disparu en figure quatre : Jean d'Orbais, qui édifie le chœur en 1211, est représenté en haut à droite ; Jean le Loup, qui l'achève et entreprend la façade, est représenté en haut à gauche, tenant une équerre ; Gaucher de Reims et Bernard de Soissons, qui édifie la grande rose de la façade ouest, sont représentés en bas. Non loin de là, dans l'église Saint-Nicaise, à présent détruite, un autre grand bâtisseur reposait dans l'édifice qu'il avait construit. Sur sa sépulture, on avait gravé : "Ci-gît Hue Libergié qui commença cette église en l'an 1229 et trespassa l'an 1267." Dans le soubassement du transept sud de Notre-Dame de Paris est gravé de manière notable le nom de Jean de Chelles : "Maître Jean de Chelles a commencé ce travail le 2 des ides du mois de février 1258."Le maître d'ouvrage est de plus en plus suspicieux vis-à-vis du maître d'œuvre. La question de la paternité artistique commence à se poser. Des désaccords apparaissent. |
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Un art de "professionnels"Le bilan des bâtisseurs du gothique est impressionnant, des dizaines de cathédrales, des centaines d'églises s'érigent alors. La construction d'une cathédrale rappelle la grande ferveur des bâtisseurs, leur enthousiasme et l'affirmation du pouvoir de l'Église au cœur de la ville. Des chantiers s'ouvrent en tous lieux et peuvent durer de nombreuses années. Ces chantiers voient la naissance d'une collaboration entre l'évêque, les chanoines et le maître d'œuvre. La construction est réservée à des techniciens compétents. Une hiérarchie stricte existe entre les métiers. Des sculpteurs, des tailleurs de pierre, des dessinateurs, des charpentiers, des menuisiers, des couvreurs, des maçons, des forgerons des verriers, des carriers... se retrouvent sur les chantiers. Le proviseur, choisi par le chapitre des chanoines pour diriger les travaux, acheter les matériaux et tenir les comptes, engage sur le chantier des ouvriers hautement qualifiés. |
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L'économie des matériaux |
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Les constructeurs gothiques étaient confrontés quotidiennement aux difficultés d'approvisionnement et de transport des matériaux nécessaires au chantier, que ce fût le bois, la pierre, la chaux, le fer ou le parchemin. Économiser les matériaux utilisés était par conséquent au centre des préoccupations des constructeurs et conditionnait, directement ou indirectement, leurs choix techniques. |
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Le boisAu XIIIe siècle, la surexploitation des forêts, leur amenuisement rapide au profit de zones agricoles et la modification de leur composition, conséquences de la poussée démographique des XI-XIIe siècles, engendrent une pénurie du bois de construction. Les fréquents incendies qui, dans les villes comme dans les campagnes, affectent les bâtiments, ainsi que les réquisitions pour des besoins militaires, engins, fortifications, charrois, etc. augmentent encore la demande en bois d'œuvre. Les arbres d'un grand âge, qui pouvaient fournir des pièces de grosse section, étant devenus rares, les constructeurs sont conduits, dans toute la zone où naît le style gothique, à modifier le système de charpente utilisé jusqu'alors. Les fermes massives des combles de charpentes classiques, espacées de trois à cinq mètres, sont remplacées par des chevrons fermes. Les éléments de ces fermes légères, rapprochées de 60 à 90 centimètres, ont en outre l'avantage d'être plus aisément hissés depuis le sol et assemblés.Face à la pénurie, les maisons de bois sont remplacées peu à peu dans les villes par des maisons en pierre, et on s'efforce tant pour les ouvrages permanents (charpentes, planchers...) que pour les ouvrages provisoires (échafaudages, cintres...) de construire aussi léger que possible. Villard donne dans son Carnet plusieurs procédés qui répondent à ce souci d'économie du bois d'œuvre. Au sortir du XIIIe siècle, les forêts sur le territoire de la France actuelle ne couvrent plus que treize millions d'hectares, soit un million de moins que de nos jours. |
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La pierreLe XIIIe siècle est une période où l'on rationalise l'utilisation des matériaux, et notamment de la pierre. Les carrières de pierre, tout particulièrement en Île-de-France et en Normandie, ne manquent pas. Mais on peut craindre une insuffisance de main-d'œuvre pour extraire et tailler les quantités considérables exigées par l'immense effort de construction d'églises.Alors que les précédentes techniques romanes de construction ne visaient pas particulièrement à économiser la pierre, plusieurs techniques dans le système de construction gothique réduisent le volume de pierre nécessaire. C'est le cas de l'amincissement des voûtes et de l'agrandissement des baies extérieures grâce aux parois vitrées, qui se substituent à des masses de maçonnerie percées de rares ouvertures. Par ailleurs, pour éviter de transporter des poids inutiles, se développe la taille à la carrière. Les carrières étant souvent éloignées des chantiers, on y envoie les tailleurs de pierre de l'œuvre, ou bien l'on passe commande aux tailleurs de pierre qui travaillent à proximité du lieu d'extraction s'ils sont suffisamment qualifiés. Ceci suppose l'emploi de modèles et de gabarits, reproductions grandeur nature, généralement en bois, des faces à tailler dans les blocs et des sections des éléments linéaires (nervures, colonnes, bandeaux, etc.). Pour éviter de multiplier les modèles, coûteux à établir, on s'efforce de standardiser les pierres chaque fois que possible. On voit de ces gabarits et de ces modèles sur des miniatures et des vitraux de l'époque (vitrail de l'histoire de saint Chéron, cathédrale de Chartres). Toute une organisation se met en place afin de réduire le coût global de la filière pierre de taille. |
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Le ferMalgré le développement de la métallurgie depuis le XIe siècle sous l'impulsion des besoins militaires, le fer reste un métal rare dont on doit prendre grand soin. Tout un chapitre de la règle de saint Benoît est consacré à l'entretien des instruments en fer. Au XIIIe siècle, le fer est utilisé essentiellement dans les outils, fort peu dans les constructions où on évitait autant que possible les chaînages métalliques ainsi que les pièces de raccordement ou de renforcement en fer dans les charpentes. Le carnet de Villard montre uniquement des engins et des ouvrages en bois. Même les scies, hormis leurs lames, ne comportent aucune pièce métallique. |
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Le parcheminC'est sur parchemin que sont dessinés les modèles en réduction, qu'il faut reproduire à l'échelle sur les aires à tracer ou sur les murs. Aussi les exécutants ont toujours ce modèle à disposition.Le parchemin au XIIIe siècle est coûteux et précieux et on doit l'économiser. Il est fait d'une peau d'animal - mouton, chèvre, veau - tannée et poncée, dont les dimensions sont forcément limitées; on utilise donc les deux faces et on récupère des feuilles déjà utilisées dont on gratte les inscriptions devenues inutiles. On s'efforce aussi de réduire la taille des dessins et d'en mettre plusieurs sur la même feuille si cela ne présente pas d'inconvénients. Lorsque le parchemin est trop usé, on le traite pour en tirer de la colle. |
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Les tracés |
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Les tracés sont faits sur des aires en mortier de chaux ou en plâtre, coulées sur une surface plane, ou sont dessinés ou gravés sur des murs. Mais les surfaces dont on peut disposer pour cela, dans un édifice en construction, sont limitées et il faut éviter les tracés inutiles, en ne dessinant qu'une moitié d'arc ou de fenestrage si l'autre partie est symétrique, en standardisant les éléments, en ne faisant les tracés qu'au fur et à mesure des besoins, enfin en les superposant. |