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Abbaye de Lérins

ABBAYE DE LERINS
(Alpes-Maritimes)


Cette abbaye fut fondée sur une île du littoral méditerranéen, nommé "Lerina" par les Romains, en face de Cannes et de l'île de Sainte-Marguerite. Voici ce que nous raconte à son sujet le Comte de Montalembert, dans son fameux ouvrage intitulé Les Moines d'Occident (pages 231 à 245):

« La charité avait été l'âme des efforts de saint Martin et de ses disciples dans la propagation de l'institut cénobitique sur les rives de la Loire, ce qui n'excluait ni l'étude, ni le goût des saintes lettres. Sans que le soin des pauvres ou la pratique d'aucune autre vertu monastique eût à en souffrir, on voit surtout la vie intellectuelle et la culture de l'apologétique chrétienne régner dans un grand et célèbre monastère qui fut, pendant tout le Ve siècle, le foyer de la vie religieuse au midi de la Gaule, et qui mériterait à lui seul une histoire détaillée.

Le marin, le soldat, le voyageur qui sort de la rade de Marseille ou de Toulon pour cingler vers Gênes, en longeant les côtes de la Provence, passe non loin de deux ou trois îlots pittoresques mais rocailleux, arides, surmontés d'un vieux donjon, de quelques ruines, et ça et là d'un grêle bouquet de pins. Il les regarde avec indifférence et s'éloigne.

Et cependant, il est un de ces îlots qui a été pour l'âme, pour l'esprit, pour le progrès moral de l'humanité, un foyer plus fécond et plus pur que n'importe quelle île fameuse de l'archiper hellénique. C'est Lérins, autrefois couverte d'une ville, déjà ruinée du temps de Pline, et où l'on ne voyait plus, au commencement du Ve siècle, qu'une plage déserte et rendu inabordable par la quantité des serpents qui y pullulaient.

En 410, un homme y débarque et y reste. Il s'appelle Honorat. Issu de race consulaire, instruit et éloquent, mais voué dès son adolescence à une grande piété, il veut se faire religieux. Son père charge son frère aîné, jeune homme gai et bouillant, de le détourner de la vie ascétique, et c'est au contraire lui qui gagne son frère. Après mainte traverse, il trouve enfin le repos à Lérins. Les serpents lui cèdent la place. Les disciples lui viennent en foule. Il s'y forme une communauté de moines austères et d'infatigables ouvriers. L'île change de face: le désert devient un paradis. Une campagne bordée de profonds ombrages, arrosée d'eaux bienfaisantes, riche de verdure, émaillée de fleurs, embaumée de leur parfun , y révèle la présence féconde d'une nouvelle race.

Honnorat, dont le beau visage rayonnait d'une douce et attrayante majesté, y ouvre les bras de son amour aux fils de tous les pays qui voulaient aimer le Christ il lui arrive en foule des disciples de toutes les nations...

L'Occident n'a plus rien à envier à l'Orient, et bientôt cette retraite, destinée, dans la pensée de son fondateur, à renouveler sur les côtes de la Provence les austérités de la Thébaïde, devient une école célèbre de théologie et de philosophie chrétienne, un foyer de science et de vertu, une citadelle inaccessible aux flots de l'invasion barbare, un asile pour les lettres et les sciences qui fuyaient l'Italie envahie par les Goths, enfin une pépinière d'évêques et de saints qui répandirent sur toute la Gaule la science de l'Evangile et la gloire de Lérins . Nous verrons rejaillir des éclats de cette lumière jusqu'en Irlande et en Angleterre, par les mains bénies de Patrice et d'Augustin.

Les églises d'Arles, d'Avignon, de Lyon, de Troyes, de Riez, de Fréjus, de Valence, de Nice, de Vence, d'Apt, de Vénasque, d'Antibes, de Saintes empruntèrent à l'île bienheureuse, comme on la qualifiait partout, leurs plus illustres évêques: Saint Hilaire d'Arles (mort en 449), Saint Eucher de Lyon (mort vers 450), Saint Loup de Troyes (mort en 479), Saint Césaire d'Arles (mort en 542), etc..

Il n'y a rien peut-être de plus touchant, dans les annales monastiques, que le tableau, tracé par un des plus illustres fils de Lérins, de la tendresse paternelle d'Honorat pour la nombreuse famille de moines qu'il avait réunie autour de lui. Il savait lire au fond de leurs âmes, y démêler tous leurs chagrins. Il ne négligeait aucun effort pour en bannir toute tristesse, tout ressouvenir pénible du monde. Il veillait sur leur sommeil, leur santé, leur nourriture, leurs travaux, afin que chacun pût servir Dieu selon la mesure de ses forces... Dans ce paradis insulaire, et sous la houlette d'un tel pasteur, on respirait partout le parfun de la vie. Ces moines, qui, en renonçant à la vie séculière, avaient cherché le bonheur, sentaient et proclamaient qu'ils l'avaient trouvé. A voir leur joie sereine et modeste, leur union, leur douceur et leur ferme espérance, on se croyait en présence d'un bataillon d'anges au repos.

Honnorat fut enlevé au monastère qu'il avait fondé pour être élevé sur le siège primatial d'Arles, d'où il allait visiter, au moins une fois par an, sa chère communauté. Dévoré du zèle qui fait les apôtres, il se signalait par ses prédications qu'il continua jusque dans les souffrances de sa dernière maladie. Il mourut en 429 ». C'est Hilaire, son élève et parent, qui lui succéda à la tête de l'évêché Arlésien.


Chapelle de la Sainte-Trinité (VIIe siècle)

Lérins se caractérise surtout, à son début, par son mode unique de vie religieuse. Comme le rapporte Ida Stümcke, citant Césaire d'Arles, « les moines n'étaient liés par aucun voeu; ils pouvaient quitter le monastère quand ils le voulaient. Il n'y avait ni période de probation, c'est-à-dire ni noviciat, ni règle; aucune obéissance à l'abbé n'était exigée des moines: chacun choisissait librement son activité. Cette vie spirituelle fondée sur la liberté était possible parce qu'un enthousiasme enflammait les âmes des moines ». Certains élèves de ce monastère s'opposèrent d'ailleurs à Saint Augustin, sur le chapitre de la grâce et du libre arbitre. Faustus de Riez, dans son ouvrage "De Gratia Dei", résume ses conceptions de la manière suivante: « Donnons à l'homme l'amour du bien et la connaissance du mal et accordons-lui selon notre plan sa propre décision et sa raison douée de liberté... Créons un homme qui, par sa libre volonté et non par nécessité, puisse aller vers ce qui est juste... afin que le degré le plus haut de sa souveraineté soit la faculté de pouvoir pécher et cependant de ne pas le vouloir ». Une telle conception, si "moderne" pour l'époque, ne pouvait qu'attirer les foudres de l'église romaine et le combat de Pélage et de Saint Augustin illustre à merveille les luttes spirituelles relative à la liberté de l'homme, lourdes de conséquences pour les siècles suivants en général et pour Lérins en particulier...

Ce n'est qu'en 661, à l'arrivée des bénédictins, que Lérins prit le titre d'abbaye. La règle bénédictine y fut alors imposée, après des luttes intenses et même parfois sanglantes. Détruite par les Sarrasins vers 732, l'abbaye fut relevée de ses ruines par le pape Benoît VII en 976 et intégrée dans l'ordre clunisien en 978 (en préservant malgré tout son rang d'abbaye autonome). Et en 1366, Lérins sera placée dans la dépendance de Saint-Victor-de-Marseille.

Lien : http://www.abbayedelerins.com/





Abbaye de Lerins (1)
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Abbaye de Lerins (2)
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Abbaye de Lerins (3)
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Abbaye de Lerins (4)
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Eglise et monastere de l'Abbaye de Lerins
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