FRANCE,_HERAULT,_SAINT-GUILHEM-LE-DESERT



Saint-Guilhem-le-Désert

ABBAYE DE SAINT-GUILHEM-LE-DESERT
(Hérault)


L'abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert (ou de "Gellone", son nom originel) est située dans les gorges du fleuve Hérault, à quelques kilomètres de la célèbre abbaye d'Aniane.

Le monastère doit essentiellement sa renommée à un personnage hors du commun, dont les chansons de gestes ont retracé l'épopée légendaire (notamment "le Moniage Guillaume"). Cousin de l'empereur Charlemagne et nommé comte de Toulouse à la place de Chorso (disgracié), cette haute figure du Moyen-Age porte le nom de GUILLAUME (plus connu sous ceux de Guillaume d'Orange, Guillaume au Court-Nez ou encore Guillaume Fièrebrace).

Il était le fils de Thierry (de souche mérovingienne, apparenté aux premiers comtes d'Autun - Saône-et-Loire) et de Aude (fille de Charles Martel et soeur de Pépin le Bref).

Après avoir mené une vie militaire de premier ordre (lutte contre les gascons vers 789; combats violents contre Abd el Mélek ben Abd al Wahhed, qui envahit la Septimanie - Languedoc - en 793; siège et conquête de Barcelone vers 803), Guillaume fonde et dote en 804 le monastère de Gellone, avant de prendre l'habit monastique, vers 805-806. Il terminera sa vie au sein de son monastère, mourant selon un nécrologe du XIème siècle, le 21 mai (812, 813 ou 814).

Il laissera plusieurs enfants, dont le fameux Bernard de Septimanie, qui le remplaça sur le siège du comté de Toulouse, et qui devait finir assassiné en 844, par les soins de Charles le Chauve, au monastère de Saint-Sernin, à Toulouse (Haute-Garonne)...

La tradition rapporte beaucoup de faits remarquables concernant le comte Guillaume: avant de revêtir l'habit monastique, Guillaume aurait donné ses armes en ex-voto à l'abbaye de Saint-Julien-de-Brioude (Haute-Loire). D'autre part, il aurait apporté avec lui, lorsqu'il se retira au monastère de Gellone, un présent de son cousin Charlemagne: il s'agissait d'un morceau de la vrai Croix (morceau que l'empereur aurait reçu des mains du patriarche de Jérusalem). Et la « Vita Willelmi » mentionne d'importants travaux mis en oeuvre par saint Guilhem afin de faciliter l'accès au monastère de Gellone. Malheureusement, ces traditions sont, pour la plupart, invérifiables...

Lors de la donation de 804, le comte de Toulouse avait placé Gellone sous la coupe d'Aniane - fondée par le grand réformateur saint Benoit (mort en 821). Ce geste, relativement courant à cette époque (et que l'on retrouve plus tard pour les fondations de Cîteaux), allait susciter entre les deux abbayes une inimitié grandissante, qui auraient de fâcheuses conséquences. En effet, ces deux fondations monastiques, se croyant chacune dans son bon droit, ne vont pas hésiter à déployer, à partir du Xème siècle, « un appareil littéraire et diplomatique plus impressionnant que sincère », afin de prouver leurs prétentions respectives. La pierre d'achoppement était la suivante: Gellone dépendait-elle, oui ou non, de l'abbaye d'Aniane ?

De cette lutte, il nous reste de nombreux documents, falsifiés ou tronqués, qui augmentent de beaucoup les difficultés d'interprétations rencontrées par les chercheurs qui se sont penchés sur l'histoire de ces deux abbayes. Mais pourquoi Aniane tenait-elle tant à Gellone ?

Tout simplement parce que la renommée de cette dernière abbaye dépassait de beaucoup le simple cadre régional. Ainsi, le « bienheureux Guilhem » fera, dès le Xème siècle, « l'objet d'un tel culte populaire que le corps du saint de Gellone, inhumé à l'origine sous le narthex de l'église, sera, vers l'an Mil, déposé dans une confession voûtée ménagée sous le choeur ».

Mieux encore, le fameux « Guide des Pèlerins » de Saint-Jacques-de-Compostelle (datant du XIIème siècle) recommandera aux "jacquets" de détourner leurs pas jusqu'à l'abbaye de Saint-Guilhem: « Ceux qui vont à Saint-Jacques par la route de Toulouse doivent rendre visite au corps du bienheureux confesseur Guillaume. Le très saint porte-enseigne Guillaume était un comte de l'entourage du roi Charlemagne et non des moindres, soldat très courageux, expert dans les choses de la guerre; c'est lui qui par son courage et sa vaillance soumit, dit-on, les villes de Nîmes et d'Orange, et bien d'autres encore à la domination chrétienne, et apporta le bois de la Croix du Sauveur dans la vallée de Gellone. Vallée où il mena la vie érémitique et où ce saint confesseur du Christ, après une fin bienheureuse, repose entouré d'honneur. Sa fête se célèbre le 28 mai ».

On comprend donc que les raisons qui motivaient l'abbaye d'Aniane pour reprendre Gellone en main étaient loin d'être désintéressées. Un tel prestige aurait rejailli sur Aniane, sans compter les revenus financiers qu'elle aurait pu en retirer.

L'indépendance du monastère de Saint-Guilhem ne sera reconnu qu'avec Urbain II (1088-1099), ce dernier libérant Gellone de toute tutelle en soumettant l'abbaye à l'autorité directe du Saint Siège. Mais si les problèmes juridiques furent réglés par une bulle pontificale, il n'en demeure pas moins que la rancoeur ne disparaîtra pas entre les deux fondations monastiques (et même entre les habitants des deux villages nés autour de ces deux abbayes), jusqu'à ce que la Révolution Française vienne y mettre un terme brutal...

Saint-Guilhem est aussi connu pour son cloître qui fait aujourd'hui partie de la collection du "Musée des Cloîtres" de New York (il avait été acheté par George Grey Barnard en mars 1906). Mais sa reconstruction pose encore de nombreux problèmes aux chercheurs, puisqu'ils ne possèdent que très peu d'éléments historiques permettant une reconstitution fidèle.

Il faut savoir en fait que ce cloître fut patiemment détruit, après la Révolution, par un maçon qui utilisait les pierres de l'abbaye comme "matière première". Ces sculptures remarquables, qui avaient servi jadis à édifier les âmes des moines, finissaient leur vie dans les fondations d'un mur d'une grange ou d'une cave à vin...

Avant de terminer, il nous faut dire quelques mots du célèbre manuscrit, bien connu des historiens du Haut Moyen-Age, appelé le « Sacramentaire de Gellone ».

Ce livre liturgique, « réservé au prêtre pour la célébration des Saints Mystères », aurait été composé, selon les spécialistes, entre 790 et 800.

Il fut peut-être apporté au monastère de Gellone par Guillaume lui-même, avec le morceau de la vrai Croix..

Selon toute vraisemblance, le Sacramentaire aurait été écrit par « quatre mains différentes, appartenant au même scriptorium, et sous la direction d'un seul chef d'atelier, un scribe nommé David, également "rubricateur", c'est-à-dire responsable de l'écriture, en rouge vermillon, des titres, sous-titres et rubriques ».

Le scriptorium dont il s'agit serait situé dans le nord de la France (Cambrai ?).





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