Eglise romane Saint Etienne, Haute-Jarrie, Isère, France
Petite histoire
Photo de 1885
Les origines
Le lieu où s'élève l'église, très excentré des habitations actuelles pose un problème. Il est probable que, comme bien des édifices religieux, notre église fut édifiée sur un ancien lieu de culte païen, sans doute romain, car la voie romaine pour Vizille devait passer là pour ensuite continuer par « la Combe » et l'endroit appelé « la Croix de la vue » déviation de la « via » romaine.
Au 10e s, une « motte castrale » c'est à dire un château de bois, s'édifia sans doute à peu de distance, sur la colline de « Rampeau » et des habitations ont dû exister autour de l'église, peut-être bien avant la motte castrale, à l'époque romaine, des vestiges gallo romains étant apparus au bassin de rétention des Rivollets.
L'église, dès le 12° siècle, s'appelait déjà Saint Etienne, en latin « Sancti Stephani de Jarria » dans des textes comme le « pouillé » de l'an 1115 ou le « cartulaire » de Domène en 1160 et 1170 ; en 1182 encore elle est mentionnée sous son nom latin. Les visites des évêques lors de leurs tournées pastorales, comme Jean II de Chissé en 1339, puis le pouillé de 1375 nous donnent des indications sur son existence.
C'est à partir de la visite de Monseigneur Siboud Aleman, de la famille des seigneurs d'Uriage, en 1469 et 1470, que l'on commence à avoir quelques détails sur l'état de l'église. Son neveu Laurent, évêque lui aussi, effectue une visite en 1488 et en 1495. L'église Sancti Stephen de Jarrie est encore citée en 1497 dans le pouillé du « cartulaire » de Saint Hugues.
Les « patrons »
Déjà avant 1340 l'église de Haute-Jarrie dépendait du « prieuré » de Basse-Jarrie dont l'église Saint-Didier était à « une portée de mousquet » de l'église prieurale Notre-Dame (ou Sainte-Marie), en dessous du « grand chemin », aux Charbonnots. Ce prieuré bénédictin dépendait de St. Pierre-de-Romette, du diocèse de Gap, lui-même sous la houlette de l'abbaye Saint-Victor, de Marseille.
En 1509, à la demande de Laurent 1e Aleman, le prieuré fut « réuni » par une « bulle » du Pape Jules II, au couvent des « Minimes de la plaine » qui avait été édifié à St. Martin d'Hères. Ces minimes avaient peu de ressources et le prieuré de Jarrie leur apporta les « dîmes » nécessaires. Les minimes, avec l'approbation de l'évêque, nommaient le curé de Haute-Jarrie, se réservant le droit d'aller eux-mêmes faire les offices les jours de fête. Il y a souvent eu confusion dans les listes des curés de Haute et Basse Jarrie par suite de cette appartenance de l'église de Haute-Jarrie au Prieuré.
En 1672, lors de la visite de Monseigneur Le Cornus, la paroisse comptait 250 « communians ». Les seigneurs de Bon-Repos, la famille Armuet, sont « patrons » d'une chapelle sous le vocable de Notre Dame de la Grâce et de la Pitié, appellation fort répandue à la fin du XVe s. Cette chapelle est liée à celle du château sous le même vocable. En 1660 « Mme de Bon-Repos » lègue à la chapelle plusieurs « setiers » de froment. Une vigne au lieudit des Rolland lui était aussi affectée pour le service et l'entretien.
Mais lors des visites de Monseigneur Le Camus elle est en fort mauvais état, les seigneurs de Jouffrey, successeurs des Bon-Repos ne faisant rien. Cette chapelle était côté évangile, à gauche en entrant dans l'église, là où se trouvent le baptistère et le confessionnal, dans la partie en avant du clocher et en retrait de la nef. Elle possédait une fenêtre gothique qui a été cassée et dont on voit l'emplacement dans le mur à l'extérieur. Les morceaux en sont dans le remplissage qui a servi à la boucher. La face avant était délimitée le long de la nef, par un arc en marbre de Vizille (albâtre), qui lors des transformations de 1870 a été déplacé d'un quart de tour pour venir soutenir la tribune.
On voit encore des armoiries malgré le martelage de la révolution : d'un côté les trois heaumes des Armuet de Bon-Repos et de l'autre un blason « écartelé » avec les armes des De Loras et les trois heaumes, ce qui montre que l'arc a été placé là, ou remanié, lors du mariage de Guillaume Armuet avec Anne de Loras-Montplaisant, après 1623. Bien des personnages nobles de la famille Armuet ont été enterrés dans leur chapelle.
Les transformations
Elles sont mal connues pour les époques anciennes. Les autels ou chapelles étaient nombreux dans l'église, et les confréries y avaient le leur, comme les Pénitents blancs ou la confrérie du Rosaire. Les bourgeois influents, imitant les nobles, se faisaient « sépulturer » dans l'église - comme le sieur Barthélémy Cloître notable de Jarrie - cela jusqu'à la Révolution.
Le cimetière
Il était entre l'église et la cure et aussi un peu au nord de l'église ; lors de travaux à la cure au siècle dernier, bien des ossements ont été exhumés. En 1640 est dressé un inventaire des biens de l'église St. Etienne. En 1668 une note précise les conditions « nobles » pour être inhumé dans l'église. En 1722 on parle de la clôture du cimetière et de la réfection des lambris de l'église, ce qui veut dire qu'elle avait un plafond et non des voûtes.
Les deux lacs de Haute-Jarrie étaient « affermés » au profit de l'entretien de l'église, louage renouvelé en 1723 et poursuivi longtemps.
La révolution et le concordat
La révolution n'a pas fait de gros dégâts matériels, sauf la vente comme bien national du pauvre mobilier de l'église adjugé aux enchères en six lots : une commode en bois blanc et un mauvais banc ; un banc en noyer ayant appartenu à l'émigré La Coste (propriétaire du château des Simianes) ; un confessionnal en noyer et en bois blanc ; la stalle du ci-devant curé, en noyer ; trois autels de bois en mauvais état achetés par le maire M. Réal (dont le frère fut maire de Grenoble) ; un petit coffre en sapin. Par contre les règles de nomination des curés sont changées et cela soulèvera des problèmes en 1804.
La « terreur » n'est signalée que par la cachette d'un chartreux, gardien du couvent des chartreusines de Prémol, qui disait la messe la nuit dans une chambre au château de M. Teyssier de Savy. Les objets précieux avaient déjà été vendus. Le culte fut interdit pendant l'année 1793.
La nomination du curé et la définition de l'église paroissiale fait l'objet de litiges entre la « Basse » et la « Haute » Jarrie en 1804. Les habitants de Haute-Jarrie, par une pétition adressée au préfet Mr. Fourier, signée du maire M. Real et de soixante personnes, réclament l'établissement de la « succursale » (il était question qu'il n'y ait qu'un seul curé à Jarrie) en raison du meilleur état de l'église et de la cure, de 583 habitants contre 237 à Basse-Jarrie et demandent comme curé Mr. Rostainq, qui était curé de la Basse Jarrie avant la Révolutton et qui en avait traversé les mauvais moments comme officier municipal. Il est établi curé de la succursale le 23 messidor an 11 (18 juillet 1803) et décède le 15 mai 1805. Par décret du 30 messidor an 13 (1805), Jarrie retrouve ses deux églises « succursales » Basse-Jarrie étant réuni à Champ-sur-Drac avec le cure André pour prêtre (alors qu'il avait été désigné pour St. Etienne peu avant) et M. Gaillard à Haute-Jarrie en 1806.
Les cloches
Elles ont été prises pour être transformées en canons par la Révolution. En 1810 est fondue la grosse cloche fabriquée par A. Bonnevie père et fils et dont le parrain est M. Réal, maire, et la marraine Dame Mollard née Arnaud (propriétaire de Châteauneuf) messire Gaillard étant recteur (comme on appelait le curé à cette époque et encore maintenant dans l'ouest de la France).
En 1841 il est dit qu'il y a trois chapelles dans l'église, que celle de la Vierge n'est pas terminée et les deux autres sont à garnir ; que la cloche pese huit quintaux.
L'église avait besoin de nombreuses reparations et en 1843 il est procédé a une vente de bois communaux pour subvenir à ces travaux. Le presbytere est lui aussi réparé en 1846. Une, autre vente de bois communaux a lieu en 1848.
La seconde cloche, la plus petite, est coulée en 1849 par G. More! à Lyon et son parrain est le propriétaire du château de Bon-Repos, M. le président De Noailles, président honoraire de la cour impériale, la marraine Mme Claire Teyssier, M. Colonel étant curé et M. Bessiron recteur des « Pénitents blancs qui ont fait faire la cloche.
Les dernières transformations
L'édifice étant trop petit et en mauvais état, il est fait en 1853 un projet pour refaire l'abside du choeur qui se trouvait alors au niveau du clocher, c'est à dire que l'actuelle chapelle de la vierge n'existait pas; maïs c'est en 1855 que le « conseil de fabrique », grâce aux dons de M. Jules Teyssier de Savy et du curé Colonel; peut faire élever cette chapelle et la nouvelle abside, rallongeant ainsi l'édifice. Avec ces libéralités toute l'église est transformée, sur les plans de l'architecte Peronnet, s'inspirant du style roman de Vézelay. Les travaux s'étalent encore de 1861 à 1877.
C'est en 1874, comme le montre une date laissée au plafond près de l'étoile filante, que les peintures sont faites, les voûtes étant d'un bleu profond comme celui de la cathédrale d'Albi. Les motifs muraux sont faits d'après les dessins de Marthe Teyssier de Savy, et elle réalise elle-même les fresques de la chapelle de la Vierge (très abîmées par l'eau et restaurées par un amateur vers 1970) d'après les peintures de Fra Angelico, avant d'entrer religieuse au Carmel en 1876. Son professeur Félix Ville peint en 1873 la voûte du choeur et les médaillons. La voûte de la nef et les décorations intérieures sont peintes par Jules Goître dans les années suivantes.
Les peintures du choeur représentent divers saints personnages dont plusieurs sont les portraits de membres de la famille Teyssier de Savy. On trouve de gauche à droite : un saint évêque, St Gabriel, Ste Angèle, Ste Marthe, Ste Marie-Madeleine, Ste Claire, St. Jules; à droite St Antoine, St Stephane (Étienne), St Bruno, St Hugues, St Félix et St Dominique et dans les médaillons St Pierre et St Paul. Diverses décorations sont des symboles remplis de sens pour les chrétiens.
Le clocher fait l'objet de travaux en 1883/85 : charpente, planchers, en même temps que le conseil de fabrique fait faire des réparations à la cure, qui est encore transformée et agrandie en 1890.
C'est en 1898 qu'une nouvelle sacristie est construite à l'est (elle était auparavant de l'autre côté), un nouveau mobilier et des vitraux sont installés aux frais de M. Teyssier de Savy.
Les autels en pierre blanche « de l'Echaillon », la chaire et le baptistère datent des années 1867/68. Les travaux, en plus des dons de M. Teyssier et des membres de sa famille, du curé Colonel (resté pendant 50 ans curé de Haute-Jarrie) sont payés par la Grande Chartreuse, l'Evêque de Grenoble, M. de Noailles, le conseil de fabrique, la commune et des dons anonymes.
Restauration des peintures
En 1976 un incendie criminel détruit la sacristie et enfume l'église, noircissant tout l'intérieur, les peintures se trouvant déjà bien abîmées par des infiltrations d'eau provenant du toit en mauvais état.
Il est décidé de restaurer ces peintures en utilisant les pochoirs d'origine toujours dans la famille Teyssier de Savy. Un emprunt est fait auprès de la « caisse des équipements diocésains ». Le travail est entrepris en 1980/81 par l'entreprise Facchin, de Grenoble. Certains motifs sur les grandes parties nues et les étoiles de la voûte n'ont pas été repris pour éviter un coût trop important. Une seule étoile a été conservée, c'est l'étoile filante qui comporte la date des peintures et où a été rajouté la date de la restauration.
Des vols successifs ont fait disparaître divers objets comme les chandeliers de l'autel, mais malgré cela, l'équipe paroissiale tient à conserver ouvert ce lieu de culte, pour les nombreux fidèles qui y viennent prier et confier leurs intentions, avec parfois une musique discrète qui rend le lieu plus vivant.
La mairie entretient les bâtiments et a fait refaire les façades en 1968, en laissant les pierres apparentes. La toiture est l'objet de soins constants et il est peu d'années où la nécessité ne se fait sentir de remettre des tuiles en place et déboucher les chenaux obstrués par les feuilles d'arbres maintenant trop proches et trop grands. L'éclairage et les circuits électriques ont été refaits en 2007, alors que l'horloge et es cloches ont été électrifiées auparavant.
La grotte
Un mot encore est nécessaire sur la grotte de Lourdes, que Marthe Teyssier de Savy fit édifier peu près les apparitions, les pierres provenant dit-on du site de Lourdes. La grotte fut bénie par l'évêque en septembre 1877 et si l'on n'y fait plus de processions, la messe est dite à la grotte chaque année pour le 15 août. Ce lieu, propriété privée, est laissé à la disposition de tous les croyants ou visiteurs et sous leur protection.
Dessin
En traits gras, l'église telle qu'elle figure sur « le perequaire » ou cadastre de 1739.
En pointillés, les agrandissements qui ont amené à la forme actuelle et le chemin qui conduit à la grotte. La cure aussi, depuis ce plan, a subi une transformation conséquente, mais elle était encore la même sur la photo de la 1ère page, avant 1890.