FRANCE,_VIENNE,_LIGUGE



Monastère de Liguge

ABBAYE DE LIGUGE
(Vienne)


Ligugé est étroitement associé au souvenir du grand Saint Martin: c'est dans la vallée du Clain que s'éleva le plus ancien monastère construit en Gaule et, même , dans tout l'Occident. Nous savons que Martin quitta Worms vers le milieu du IVe siècle, après avoir reçu le baptême. Il abandonnait ainsi tout ce qui l'attachait encore à ce monde. Il se rendit à Poitiers, attiré par la réputation de Saint Hilaire, qui lui conféra l'ordre d'exorciste et l'incorpora ainsi au clergé de son diocèse.

Vers 361, Hilaire de Poitiers eut assez de grandeur d'âme pour consentir à une décision qui devait priver son église d'un homme dont le mérite exceptionnel et la piété robuste et agissante promettaient un pasteur éminent dans un avenir peu éloigné. Toutefois, en autorisant Saint Martin à satisfaire son attrait pour la vie solitaire, son supérieur lui assigna un lieu de séjour peu éloigné de la ville épiscopale, en un lieu-dit nommé Ligugé.

Le nom de Ligugé procède d'un antique Lucoteiacus, écrit à l'ablatif Locoteiaco, dans la vie de Saint Hilaire de Poitiers, composée par Fortunat. Quel fut donc ce premier monastère de Ligugé ? Un assemblage de cabanes, un groupement de solitaires s'imposant l'existence la plus mortifié. Ce premier monachisme latin s'alimente directement aux sources orientales (ascètes d'Egypte). Mais aucun récit ne nous parle spécialement de la coutume et des évènements qui eurent lieu à Ligugé.

Pour ce qui concerne la vie monacale à Ligugé, l'histoire reste muette à bien des égards. Par exemple, Guibert de Gembloux a recueillit, au XIIe siècle, une légende qui se rapporte de manière bien indirecte à l'histoire de ce monastère. Ce récit, Guibert l'avait entendu à Ligugé et à Poitiers: on y racontait que Saint Hilaire, au retour d'une excursion à Ligugé, rentra dans son église de Poitiers et s'aperçut alors qu'il avait oublié son sacramentaire chez Saint Martin, ce qui l'empêchait de célébrer la messe. Pour le tirer d'embarras un ange survint à tire d'aile, apportant le volume réclamé.

Sulpice Sévère (mort à Marseille vers 406-410) rapporte une autre anecdote: un catéchumène tomba malade pendant une absence de Martin; à son retour, après trois jours seulement, le garçon était mort si soudainement qu'on n'avait pas eu le temps de le baptiser. Après avoir fait sortir de la cellule où gisait le cadavre touts les moines présents, le saint imite le prophète Elisée (II Rois, chap. IV, v.34), se couche sur le défunt et après deux heures environ sent la chair tressaillir et la vie rentrer dans ce corps inanimé. Le ressuscité raconta aux moines qu'il avait été retiré de lieux ténébreux, et rendu à la vie par la prière de Martin qui s'empressa de le faire baptiser.

Après que Saint Martin eut été élevé sur le siège épiscopal de Tours, Ligugé conserva peut-être une certaine notoriété, mais n'en fut pas moins promptement éclipsé par le monastère de Marmoutiers (Indre-et-Loire), créé par Saint Martin lui-même, alors qu'il était devenu évêque de Tours (372). On continuait à s'y rendre et à y honorer la mémoire de Saint Martin. Dans son ouvrage intitulé "Miracula Beati Martini", Grégoire de Tours ne manque pas de rapeller les souvenirs du séjour qu'y fit l'apôtre des Gaules (livre IV, c. XXX). Dans leur "Dictionnaire d'Archéologie Chrétienne et de Liturgie", dom Cabrol et dom Leclercq font remarqué l'existence d'une légende inscrite sur des triens mérovingiens (LOCOTEIACO SCI MARTINI) qui se rapporterait au monastère de Ligugé.

Ce même ouvrage nous apprend qu'au VIIe siècle, ce monastère jouissait encore d'une sorte de prospérité. Vers cette époque, un moine de Ligugé, nommé Defensor, composa un livre intitulée Liber scintillarum. C'était un recueil de morceaux choisis à l'usage de ceux qui n'avaient pas le loisir de consulter les ouvrages compacts des Pères. On y voyait des extraits de Saint Clément, d'Origène, de Saint Ambroise, de Saint Basile, de Saint Augustin, de Saint Ephrem, de Cassien, de Saint Césaire d'Arles, de Saint Grégoire le Grand, de Saint Isidore, de Saint Hilaire et de Saint Jérôme. Le moine Defensor déclare dans la préface que l'ouvrage est dû "à la grace de Dieu et aux ordres de son supérieur l'abbé Ursinus", auteur lui-même d'une vie de Saint Léger, évêque d'Autun. Cet Ursin est le seul abbé de Ligugé dont le nom ait été conservé parmi les successeurs de Saint Martin.

Le monastère et son histoire nous sont alors inconnus. On sait plus ou moins qu'il aurait été détruit par les Normands, peut-être vers l'an 865. Puis vers l'an Mil, la comtesse Aumode relèvera les ruines de Ligugé pour le transformer en prieuré de l'abbaye bénédictine de Maillezais (Vendée). Cette dernière abbaye avait d'ailleurs été fondée à la même époque par Emma de Blois, femme de Guillaume II d'Aquitaine, pour des moines de Saint-Julien de Tours.





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