Les corporations d'école au Moyen-Age
Les Corporations de maîtres d'école
Donc, en 1570, les maîtres d'école de Paris se constituèrent en corporation. Aux termes des statuts qui leur furent accordés, il fallait pour y entrer être de bonne vie et mœurs, faire profession de la religion catholique et habiter Paris depuis 3 ans au moins. En outre nul ne pouvait « tenir eschole publique d'écriture pour enseigner les enfants tant à l'écriture que au get et calcul! » avant d'avoir été examiné par quatre des maîtres sur la manière d'écrire, sur l'orthographe et sur «l'art de jetter (1) et compter ».
Les maîtres étaient aussi reconnus experts près des tribunaux.
Parmi les «maistres écrivains tenant écoles d'écriture», certains furent célèbres au 16e siècle. Citons : Geoffroy Tory dit « le maître du pot cassé», surnom qu'il dut à son enseigne. Il tenta de réformer l'orthographe dans son « Champ fleury » de 1529 et fut à l'origine de l'apostrophe, des accents, de la cédille, inconnus de son temps. Il écrivait : « En notre langue navons point daccent figure en escripture et ce pour le default que nostre langue nest encore ordonnée a certaines reigles. C devant O aucunesfois est solide, comme en disant coquin, coq ; aucunesfois est exile comme en disant garçon, maçon...».
Jacques de la Rue dédia au duc d'Anjou, en 1565, un recueil de modèles qu'il avait tracé et gravé.
Pierre Hamon « étoit le plus renommé de France, par la perfection qu'il avoit d'écrire en toutes sortes, de caractères, même les plus difficiles ».
Jean de Beauchêne était l'auteur d'une méthode d'écriture publiée en 1580.
Jean de Beaugrand, qui fut choisi pour enseigner l'écriture à Louis XIII, cadelait avec une merveilleuse facilité. On nommait « cadeaux » les encadrements., les grandes lettres initiales formées d'enlacements, d'enroulements, de lacets, de figures tracées à la volée.
Les premiers statuts des maîtres-écrivains furent souvent confirmés ou renouvelés au cours du 16e siècle et de la première moitié du 17 siècle. La corporation était alors en pleine prospérité. Ses armoiries portent « d'azur, à une main de carnation posée en fasce, tenant une plume à écrire d'argent, et accompagnée de trois billettes de même, deux en chef et une en pointe », et elle doit marcher dans les processions sous la 46e bannière qu'elle partage avec les libraires, les parcheminiers et les relieurs.
(1) : Pendant très longtemps, les commerçants, les gens de qualité aussi, ne connurent pas d'autre façon de compter que par jetons (un peu à la façon des boules de nos bouliers-compteurs) et l'« Arithmétique dans sa perfection », ouvrage de Legendre, contient encore dans son édition de 1774 un Traité de l'Arithmétique par jetons. L'emploi de cailloux (calculi) a donné naissance au mot Calcul. Ainsi nous voyons Argan dans la première scène du Malade Imaginaire compter avec des jetons « les parties » de son apothicaire : «Trois et deux font cinq, et cinq font dix... ». Madame de Sévigné elle-même, qui pourtant savait écrire, se servait de jetons pour calculer. Le 10 juin 1671 elle écrit à sa fille qu'elle vient de faire le compte de sa .fortune « avec les jetons de l'abbé (de Coulangues ) qui sont si justes et si bons». Et le calcul pouvait être compliqué, car Mme de Sévigné possédait alors plus de deux millions de notre monnaie.
L'ÉCOLATRE délivre les permis d'enseigner ou "licences"
On a peu de documents sur les écoles élémentaires où l'on apprend à lire l'office divin à haute voix, à psalmodier (d'où le rôle du préchantre dans les questions d'enseignement) et assez souvent aussi à écrire. (Les Nobles en général ne recevaient pas d'autre instruction, quand ils recevaient celle-là). Il est fort probable que ces établissements « du premier degré » étaient nombreux : en 1185, est attesté l'établissement de maîtres d'école dans les simples hameaux de l'Abbaye de Saint-Bartin ; la présence de « magistri » est fréquente dans les textes de l'époque. Malgré les interdictions, certains monastères ont encore une école élémentaire ouverte aux enfants du voisinage.
Il est même rare que les autorités, laïques interviennent. Si les écoles de CLERMONT dépendent du Consul, les nominations ne se font pas sans l'avis du clergé. Le responsable de l'Enseignement sur le territoire de la Cathédrale est un membre du Chapitre, l'Ecolâtre, qui d'abord enseignait lui-même. Mais le développement des études multiplie le nombre des Maîtres et, rendant trop étroit le cloître de la Cathédrale, les fait échapper au contrôle constant de l'autorité religieuse ; alors s'instaure une nouvelle pratique l'octroi par l'Ecolâtre d'une permission d'enseigner « lîcentia docendi » qui ne prendra sa figure définitive qu'au siècle suivant. En attendant et en dépit des objurgations pontificales, les écolâtres étendent leur ressort bien au-delà de la paroisse de la Cathédrale souvent au diocèse entier.
La discipline est trop rude
Entre autres choses, cette police (cette discipline) de la plupart de nos collègues m'a toujours déplu : on eût failli, à l'aventure, moins dédommageablement, s'inclinant {en inclinant) vers l'indulgence. C'est une vraie geôle de jeunesse captive : on la rend débauchée, l'en punissant avant qu'elle le soit. Arrivez-y sur le point de leur office (à l'heure du travail) : vous n'oyez que cris et d'enfants suppliciés et de maîtres enivrés en leur colère. Quelle manière pour éveiller l'appétit envers leur leçon & ces tendres âmes et craintives de des y guider d'une trogne effroyable, les mains armées de fouets ! Inique et pernicieuse forme ! (méthode pédagogique). Joint ce que Quintilien en a très bien remarqué, que cette impérieuse autorité tire des suites (entraîne des conséquences) périlleuses, et notamment à notre façon de châtiment.
MONTAIGNE (ESSAIS, Liv. I, Chap. XXVI)
L'ÉDUCATION des filles d'après SAINT-JEROME.
« Ta fille ne doit entendre que des choses propres à inspirer la crainte de Dieu. Elle ne doit pas comprendre les mots grossiers, pas connaître de chants profanes. Elle doit être éloignée des garçons espiègles et des domestiques. Tu lui remettras des lettres de buis ou d'ivoire pour qu'elle apprenne à les connaître, puis tu lui apprendras à en former des syllabes et enfin des mots. Ces mots seront choisis avec soin. Il ne faudra pas la fatiguer et tu l'encourageras avec des louanges et des récompenses. Si tu lui donnes des maîtres, ils seront avancés en âge et auront des mœurs et des connaissances solides. Il faut l'habituer a une exacte prononciation. Ne lui donne ni boucles d'oreilles, ni collier d'or ou de perles. Ne lui peins pas la figure ou les cheveux, afin que tu ne la prépares pas pour le feu de l'enfer. Ne la laisse pas sortir comme Dina pour aller voir les filles du pays. Ne la laisse pas aller sur la rue. Ne lui montre jamais un festin, pas même dans la maison paternelle, afin qu'elle ne se mette pas à convoiter des friandises. Cepen- dant donne lui un peu de vin jusqu'à son plein développement, afin de la fortifier. Elle doit demeurer étrangère à la musique et ignorer l'usage de la flûte, de la lyre et de la cithare.
Tu la feras élever au couvent. Elle n'apprendra pas à jurer, tiendra le mensonge pour un sacrilège, ne saura rien du monde, vivra comme un ange dans la chair sans connaître la chair et croira que tous les hommes lui ressemblent ! »
SAINT-JÉRÔME (Lettre à Laeta).
Retour