Les étudiants dans les universités du Moyen-âge

Par Kareen Healey,
étudiante en bac d'histoire à l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

1 - Introduction

Pour entrer dans les universités médiévales, il fallait avoir fait des études primaires, il fallait parfois s'exiler et surtout il fallait pouvoir payer les frais d'études. Peu de changements avec notre condition actuelle d'étudiants universitaire.
Cependant, quelques différences distinguent cette époque de la nôtre.
Dans cette deuxième partie, nous verrons comment se déroulait l'inscription des étudiants, quels en étaient les impératifs et comment se passaient les examens.
Nous ferons également un bref portrait du mode de vie des étudiants médiévaux en essayant de comprendre qui ils étaient.

L'historien français Jacques Verger, spécialiste dans l'histoire universitaire au moyen-âge, définit l'université comme étant un lieu pour acquérir, au prix d'un travail plutôt technique, une compétence intellectuelle dans des disciplines précises, sanctionnées par des grades universellement reconnus et permettant d'espérer, par la suite, de bons emplois ecclésiastiques ou civils.

En théorie, les universités étaient ouvertes à tous. Cependant, et la situation n'a guère changé, l'entrée dans ce lieu de savoir était déterminé par plusieurs facteurs : premièrement le coût : les plus pauvres étaient écartés, à moins d'obtenir certains privilèges comme par exemple des bénéfices ecclésiastiques. Des étudiants se voyaient même parfois dans l'obligation de repartir, faute d'avoir pu payer certains droits universitaires. La plupart des étudiants étaient issus de la classe moyenne (gros laboureurs, marchands d'officiers, petite noblesse, etc.). Contrairement à la croyance populaire, la grande noblesse ne peuplait pas les universités. Ce phénomène apparut seulement à l'époque moderne, c'est-à-dire aux XVI et XVIIème siècle. Cette dernière ne voyait pas l'utilité de fréquenter les institutions universitaires.

Pour accéder à l'université, comme aujourd'hui, il fallait avoir d'abord fait des études "primaires", c'est-à-dire avoir appris la grammaire latine. Pour ce faire, il y avait deux choix : l'engagement d'un précepteur privé ou encore la fréquentation d'écoles. Les étudiants arrivaient donc à l'université avec des formation fortement différentes les unes des autres.

Habituellement, le choix d'une université ne s'appuyait nullement sur la réputation de cette dernière. Bien souvent, on préférait étudier près de notre lieu d'origine plutôt que de s'expatrier. Rappelons que nous sommes ici à la fin du Moyen-âge et que c'est précisément pendant cette période que sévissaient la peste, la guerre de Cent ans ainsi que le Grand Schisme d'occident, et il aurait été hasardeux d'entreprendre quelque voyage que ce soit. En choisissant l'université la plus proche, on limitait également le coût des études. Cependant, quelques-uns, plus aventureux que les autres, s'exilaient. Comme les Princes étaient responsable de l'établissement des universités dans leur ville (cf : partie 1), ceux-ci assuraient des postes aux gradués des universités qu'ils avaient parrainé. A titre d'exemple, en 1468, le gouvernement vénitien alla même jusqu'à interdire à ses sujets la fréquentation d'universités étrangères. Ceux-ci étaient contraints de fréquenter l'université de Padoue.

Maitre et élève

2 - Arrivée de l'étudiant dans sa ville universitaire et son mode de vie

Lorsque l'étudiant arrivait à sa ville universitaire, il lui fallait tout d'abord se loger. Pour ce faire, ce dernier avait deux choix : premièrement, s'il avait des moyens, il pouvait louer une chambre, seul ou avec d'autres, ou louer une maison. Le deuxième choix qui s'offrait à lui était le plus répandu par sa commodité : l'étudiant pouvait prendre pension chez un gradué avec le double avantage d'avoir non seulement un prix de loyer plus qu'avantageux, mais également de pouvoir bénéficier d'une aide que pouvait lui apporter le gradué en ce qui concernait les travaux d'université à accomplir.

Cependant, pour l'étudiant qui était très démuni, aucune de ces solutions n'était envisageable. C'est pour cette raison que furent créés les "collèges", fondés par les ordres religieuses. Ceux-ci offraient aux étudiants gîtes et couvert. Le plus bel exemple qui nous est resté se trouve à Paris et fut fondé par Robert Sorbon qui en fut le premier proviseur. On parle ici bien sûr de La Sorbonne, fondée en 1257 et qui se trouve toujours à Paris dans le quartier latin, sur la rue Des Écoles, à proximité du boulevard St-Michel.

Après avoir vu à se loger, l'étudiant devait bien entendu s'inscrire à l'université. Il devait choisir son maître minutieusement car il restait avec lui pendant toute la durée de ses études. (ce procédé s'apparente avec les procédés d'aujourd'hui en ce qui concerne les études de deuxième et troisième cycle, lorsque vient le temps de choisir un directeur(rice) de thèse). Lorsque ce choix est fait, l'étudiant devait se présenter aux autorités universitaires pour être enregistrés sur la matricule de l'université après avoir prêté serment d'obéissance aux statuts et payé des droits requis.

Maitre et élève

3 - Études et programme académique

Tel que vu dans la première partie de cette chronique sur les universités, certaines études, comme par exemple la théologie, étaient des études de longue haleine. Cela émanait du fait qu'à l'époque, l'étudiant médiéval était dépourvu de livre et de bibliothèques et il devait mémoriser la matière. Pour ce faire, ce dernier refaisait sans cesse les mêmes cours et surtout les mêmes textes. Il y avait trois étapes d'apprentissage : en premier lieu, il y avait la lecture "ordinaire" de la part du maître, l'étudiant restait passif pendant la lecture et le commentaire qu'en faisait le professeur, cette étape était appelée lectio qui se développa en quaestro. En second lieu, il y avait la "lecture extraordinaire" qui était faite par l'étudiant et pendant laquelle ce dernier analysait profondément le texte, cette étape était appelée la determinatio.

Dès ce moment, l'étudiant abandonne la passivité pour devenir actif.
En troisième et dernier lieu, il y avait la disputatio ou "dispute" qui ressemblait étrangement à ce que nous connaissons de nos jours à l'université sous le nom d'Atelier : les étudiants, réunis dans une même salle avec leur professeur, discutaient d'un texte donné par le maître qui les évaluaient.
Les matières enseignées étaient la théologie scolastique, le droit romain et la philosophie aristotélicienne. En ce qui concerne les examens, ils étaient très réglementés.

Pour en avoir une idée, suivons le cheminement d'un étudiant qui sera diplômé dans la Faculté des Arts à l'Université de Paris au XIIIème siècle.
Plusieurs étapes ponctuaient ces examens. Le premier examen était quelque chose qui s'apparentait au determinatio.
Suite à cela, l'étudiant devenait Bachelier. Cependant, avant le determinatio, il y avait deux étapes préalables : dans la première, l'étudiant devait soutenir un débat avec son maître, ceci se déroulait généralement dans le mois de décembre avant le carême, puis, en second lieu, il passait le baccalariandorum pendant lequel il répondait aux questions d'un jury de maîtres, pour prouver qu'il connaissait bien les éléments de son programme. Ensuite, l'étudiant devait donner une série de cours de façon à prouver, encore une fois, qu'il était apte à poursuivre son cheminement.
Le deuxième examen conduisait au doctorat. Il comprend plusieurs phases dont la plus importante consiste en une série de commentaires de textes suivis de réponses faites devant un jury de quatre maîtres, présidé par un chancelier. L'étudiant qui avait passé cette étape avec succès recevait une licence des mains du chancelier au cours d'une cérémonie pendant laquelle il devait donner une collatio (conférence). Ce n'est que six mois plus tard qu'il devenait enfin docteur au cours de l'inceptio, là où il devait donner une leçon inaugurale. Il recevait également les insignes propres à son grade.

En définitive, les étudiants de l'époque devaient faire preuve d'un courage exceptionnel pour mener une tâche aussi difficile à bien. Bien entendu, ceux-ci jouissaient d'un statut privilégié comme par exemple l'exemption d'impôts et de l'ost. Ils avaient également des obligations comme l'interdiction du port d'arme, de port de vêtements longs, de tonsure, usage obligatoire du latin dans toute activité etc... Beaucoup considéraient les avantages plus grand que les désavantages, surtout en temps de guerre, et certains devenaient étudiants seulement pour en bénéficier. Inutile de dire qu'ils ne faisaient pas long-feu à l'université. Les vacances estudiantines débutaient à la fin du mois d'août pour se terminer au début d'octobre.
Finalement l'université fut un bon moyen pour favoriser une certaine cohésion au sein de métiers. Cependant, elle fut aussi un source de monopole certain en faveur du clergé, et certains condamnait cet "abus de pouvoir". On disait que cela favorisait une "forte fermeture et des formes diverses de ségrégation".


© 1997 par Kareen HEALEY et stéphane POUYLLAU.

Partie 1 : Naissance des universités
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